Certamen Virtutis
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Dans le duché de Basse-Salte, complotez, tramez et trahissez pour obtenir le pouvoir... Qui sera le prochain Duc?
 
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 Une maîtresse indésirable [Quête]

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Michel-Ange
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MessageSujet: Une maîtresse indésirable [Quête]   Une maîtresse indésirable [Quête] I_icon_minitimeJeu 28 Juil - 16:42

Dans mon passé, j'avais déjà eu à me salir les mains pour d'autres. Je n'avais jamais regretté mes actes, parce que j'avais compris comment fonctionnait l'âme humaine, que l'on soit noble ou roturier. Il n'y a dans le rang d'un individu que de l'hypocrisie, un prétexte mal placé, bancal, qui permet pourtant à toute une société de fonctionner. C'est dire l'ampleur de la bêtise humaine ; pourtant, aujourd'hui, je n'avais plus à m'abaisser à rendre à autrui le genre de services que j'allais devoir remplir dans les temps à venir. Du moins d'un point de vue matériel.
Ma commanditaire était une noble. Elle appartenait aux sphères du pouvoir, elle avait ses propres fils dans la toile d'araignée qui se tendait d'un aristocrate à un autre dans cette ville. Dans tout ce duché, même. Cela faisait plusieurs fois que je m'entretenais avec, sans m'être vraiment fait connaître d'elle ; elle s'intéressait davantage à la richesse qu'au pouvoir. Les deux sont intimement liés à bien des égards, mais il était possible de ne rechercher que la première sans se préoccuper du second. Ce n'était pas le cas de son mari...

Un mari infidèle. Elle voulait des preuves pour l'éjecter de son siège social et prendre sa place, ainsi que ses biens ? Soit, j'avais tout à y gagner : élimination d'un potentiel gêneur, gain d'une éventuelle alliée, d'une personne reconnaissance à tout le moins - riche bien entendu, et noble de surcroît...
J'avais négocié avec cette compassion aussi fausse que spontanée d'apparence, arrachant une somme de cent Atris à cette femme humiliée. Mais au fond, je lui avais pris bien plus que son or : j'avais volé sa confiance, et même son affection. J'avais joué de pitié, d'empathie ; elle, s'était étonnée de la sollicitude d'un homme de main finalement raffiné, bien plus dégrossi que ses congénères. A ses yeux j'étais de son bord, et j'avais entendu dans sa voix que je n'étais pas très loin non plus de son lit. Je réservais ma tentative une fois que ma mission serait accomplie... Sans doute cela m'apporterait-il un soutien plus concret par la suite. Rabaissée, déshonorée, cette femme ne demandait sans doute qu'à avoir un amant pour se prouver qu'elle aussi pouvait facilement sortir d'une pruderie lui apparaissant soudain obsolète ; en facilitant sa débauche, je lui ôtais sa honte. Soulagez quelqu'un d'un tel fardeau, mettez-y les formes, et vous devenez un sauveur.

Désormais, je marchais apparemment au hasard à cette heure tardive, allant d'une artère à une autre, progressant dans le quartier portuaire en me dirigeant de plus en plus vers cette odeur d'embrun et de goudron qui caractérise les quais. La nuit s'était faite maussade, sans lune, déversant un crachin presque imperceptible sur les pavés inégaux qui en devenaient glissants. Les étoiles étaient rares ; on avait aveuglé les cieux par le voile des sombres nuages, comme si même le miroir céleste s'accordait à fermer les yeux sur la dépravation des hommes. J'esquissais un sourire sans joie, rassemblant les pans de mon manteau rapiécé. J'avais évidemment troqué mes vêtements de goût pour un costume de docker, doublé d'un chapeau à large bord qui jurait affreusement avec l'ensemble marron. Après tout, ce quartier était le plus cosmopolite de tous et une allure inhabituelle ne ferait finalement que partie du lot commun... Et si en plus elle dissimulait mes traits, c'était encore mieux.

Bientôt m'apparut la lumière de la maison close, avec ses torches éclairant la venelle. Les volets étaient baissés mais avaient été habilement travaillés de manière à ce qu'on aperçoive du mouvement à l'intérieur s'il y en avait, malgré la pénombre qui régnait - et je le savais d'expérience - dans les chambres. Je passais devant le molosse à l'entrée, un type de taille moyenne, mal rasé, aux yeux glacés qui jetaient des couteaux. Je l'avais déjà vu coincer un homme qui avait tenté de s'enfuir sans payer... Je n'étais pas resté pour voir ce qu'il allait faire de sa victime, une fois qu'il l'avait réduite à une chose geignarde aux genoux brisés.

A l'intérieur, je reconnus le comptoir impeccable plaqué sur le mur de gauche. Une porte au bout débouchait sur un long couloir percé de chambres. Une femme d'une quarantaine d'années, à la beauté exotique vieillie, vint à mon encontre. Malgré ses rides et son embonpoint, elle gardait un teint hâlé attrayant, des yeux à la forme parfaite et des cheveux superbement ondulés.

- Venez donc pour...

Elle s'interrompit, pinça les lèvres. Je me redressais en me fendant d'un large sourire.

- Michel-Ange ? hoqueta-t-elle, me fixant quelques secondes avant de me détailler de la tête aux pieds. Qu'est-ce que tu fais dans cet... accoutrement ? Tu ne te cachais pas autant il y a quelques temps...
- Ce que j'aime chez toi, Aline, c'est ton franc-parler. Enfin, il n'y a pas que ça, bien entendu, mais ça compte beaucoup...

Elle secoua la tête, avant de me jeter d'un ton froid qu'elle regretta probablement l'instant d'après :

- Qu'est-ce que tu veux ?
- Suis-moi. Laisse donc une de tes jeunes pour cueillir les arrivants, j'ai une affaire à conclure.

Elle darda sur moi un regard méfiant, avant d'aller chercher une plantureuse rousse dans le couloir. Je ne m'attardais pas pour admirer ses formes, occupé à chercher les arguments que je présenterai à Aline. Ils seraient sonnants et trébuchants, évidemment, mais si mes mots mielleux pouvaient m'éviter d'avoir à argumenter longtemps, je n'étais pas contre. Je crachais sur les dépenses inutiles.

- Ici, on est tranquille pour... quelques minutes, ironisa mon exotique interlocutrice après m'avoir introduit dans une pièce dérobée, tout au fond du corridor craquant et usé. Explique-toi.
- Tu es magnifique, murmurai-je simplement.

Mes yeux la dénudèrent sans gêne aucune, ni pour elle, ni pour moi. Je savais pertinemment quelle richesse dissimulaient ces atours propres, presque blancs. Un corps encore ferme malgré qu'elle eût grossie ; une poitrine lâche mais toujours formée, des hanches larges mais non lourdes...
C'était une manière de la flatter, sans vraiment mentir.

- Et à part ça, qu'est-ce que je dois savoir, encore ?
- Cruelle femme d'affaires... Ton métier te perdra. Très bien : je dois savoir qui fréquente habituellement un certain homme. J'ai son signalement.
- Et tu as son nom, également ? répliqua-t-il, soupçonneuse.
- Evidemment, mais comme il s'agit d'un noble, il vaut mieux que tu ne le saches pas.
- Evidemment. Et qu'est-ce qui te fait croire que je vais prendre un tel risque pour toi ? Aucune maison ne donne ces renseignements, et tu sais très bien pourquoi. Surtout au sujet d'un noble !
- Tu t'imagines vraiment que je vais glisser un couteau dans la main d'une de tes filles ? soupirai-je. J'ai l'air d'un assassin ?
- Honnêtement ? Tu tuerais ta mère.
- Toi tu la prostituerais, lâchai-je froidement.

Nous nous défiâmes du regard, et je guettais le tremblement de son menton. Nous éclatâmes de rire en même temps, à nous en faire mal aux côtes, quitte à étonner tout l'établissement. Je n'avais dit à personne que je n'étais pas né noble, que tout ça n'était qu'une arnaque, mais j'étais persuadé qu'Aline s'en doutait.
Ca nous rapprochait beaucoup.

- Sois franc avec moi, reprit-elle les joues rouges, et tu auras ce que tu veux.
- Adultère.

Je haussais les épaules.

- Divorce. Récupération de tous les biens. Cupidité.
- Ca, ce n'est pas être franc.
- Mais c'est toute la vérité, protestai-je.
- Ca me dit pourquoi elle, elle veut que tu saches avec qui son mari s'amuse. Ca ne me dit pas pourquoi toi, tu le veux.

Je plongeais au fond de ses yeux noirs.

- Aline, cette ville est une gigantesque horloge. Il y a des engrenages partout, qui grincent, qui se huilent avec du sang, qui broient des hommes tous les jours. Tu as assez à faire des tiens sans encore mettre le doigt dans les miens.
- Je pourrais peut-être le mettre ailleurs...
- Ca, c'était inutilement vulgaire, ma chère, fis-je d'un ton guindé. Bon, et si on passait aux négociations ?
- Vingt Atris.
- Bien tenté. Deux.
- Ne sois pas insultant, Michel-Ange.
- C'est toi qui a commencé, je te rappelle.

Elle soupira, croisa les bras et s'adossa à la porte, comme pour me menacer de m'enfermer.

- Très bien... Dix-sept.
- Cinq.
- J'abrège cette conversation en passant tout de suite à douze. Paie.
- Je...
- Michel-Ange, je vous aime bien, toi et ton mignon visage, alors évite de trop me taper sur les nerfs, tu veux ? Tu es un amant plutôt complaisant mais parfois tu es très usant...

Un deuxième fou rire s'empara de moi tandis que je contemplais cette petite femme brune me tenir tête avec la dureté impitoyable d'un milicien.

- Allez, parce que je t'aime bien, dix.
- Dix, et une bière un de ces jours.
- Avec la tenante de la maison close du port ? Et... une bière ? relevai-je d'un ton outré.
- Tu n'es pas obligé de boire avec moi. Tu me la paies, simplement.
- Sal... sale esclavagiste. Tope-là.

Je crachais dans ma paume et la lui tendit. Elle la regarda, affichant une mine dégoûtée.

- Demande Sylvia et Edith. Et n'oublie pas de passer à la caisse, en sortant.
- Je sens que je vais finir par regretter d'être venu ici, grommelai-je en fermant la porte. Je pouvais l'imaginer en train de se frotter les mains.

J'allais devant le comptoir pour y déposer dix Atris, avant de sortir et de me faire gifler par le froid de l'extérieur. Il me restait à essayer de voir si mon homme avait des horaires particuliers pour ses visites à la maison close, ça pouvait grandement me faciliter les choses. Notamment afin de pouvoir contacter les filles au bon moment.
Je repartis dans les rues, enfonçant l'hideux chapeau sur ma tête, râlant à propos de l'air marin, de la jalousie des femmes et de leur sens inné et cruel du marchandage.
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MessageSujet: Re: Une maîtresse indésirable [Quête]   Une maîtresse indésirable [Quête] I_icon_minitimeSam 30 Juil - 17:11

Il y a une chose que peu de gens savent faire sans en souffrir : attendre. Certains diront qu'ils attendent toute leur vie : une âme-soeur, la fortune, la gloire... mais qu'ils ne s'impatientent pas pour autant. Il me semble avoir entendu un jour quelqu'un déclarer que le malheur des hommes leur venait du fait qu'ils ne savent pas simplement attendre dans une chambre. Oui, attendre... mais attendre quoi ? On vérifie ici que l'ignorance est encore une fois, à défaut d'une source de bonheur, une protection commode face aux situations inconfortables... Car ce n'est pas vraiment le fait d'attendre qui ronge l'être, c'est le fait d'attendre quelque chose. Se savoir attendre.
Tel était le sentiment qui me minait tandis que je dansais d'un pied sur l'autre pour en chasser le froid. J'avais l'impression que mes orteils s'étaient gelés dans mes bottes, et qu'il me suffirait de donner un coup de pied dans le mur sur lequel je m'appuyais intempestivement pour qu'ils se brisent.

J'étais relativement dissimulé dans l'ombre d'une venelle qui faisait presque face à la maison close. J'accueillais le soir avec soulagement, ne m'étant pas douté qu'il pouvait faire une chaleur aussi étouffante dans l'après-midi... Je préférais geler que fondre. Il semblait que j'avais eu la faculté de trouver l'unique ruelle de tout le quartier qui était exposée pendant quatre heures entières au regard accablant de l'astre solaire. Après avoir sué à grosses gouttes, je me pétrifiais lentement sous le baiser insidieux de l'air rafraîchi.
Je savais que la perversion des hommes pouvait aller loin. Mais jamais je ne me serais douté que l'établissement d'Aline soit sujet à une telle fréquentation, bien avant que le soir n'arrive de ses pas feutrés. C'était assez amusant de constater qu'il y avait toujours un petit décalage entre les clients, un écart soigneusement étudié afin que personne ne se croise. Toujours, un homme arrivait, d'un pas vif et leste, et se coulait dans l'édifice comme s'il avait eu cette idée au dernier moment, juste en passant devant le porche. Certains allaient même jusqu'à fermer la porte de dos, refusant de voir ces pavés qu'ils quittaient et les pieds de ceux qui les foulaient.

Luxure... Etait-ce vraiment un mal ? Ici, dans ces chambres moites et mal éclairées, on faisait commerce de violence, on faisait commerce de brutalité, oui... Mais on faisait commerce de rêve aussi, il ne fallait pas l'oublier. On faisait commerce de vérité. Il n'y avait pas que des relations à sens unique dans ce genre de maison, je le savais d'expérience. Le négoce de la chair pouvait devenir un jeu entre client et marchande ; un jeu amusant, profitable aux deux. Ici, les masques sociaux tombaient, les rôles qu'on s'était assignés à porter se déchiraient, partaient en lambeaux... Parti, le fonctionnaire rigide, envolé le travailleur morose ; ici, on ne parlait à mots couverts mais à mots ouverts... Ici, on aimait sans doute plus sincèrement que jamais, à part peut-être au jour du maraige ; ici, les adultères fleurissaient chaque jour, mais où est la véritable adultère ? Qui trompe-t-on : une femme qui ne vous veut pas plus que vous ne la désirez, ou celle qui vous troque sa comédie pour quelques pièces ? Les maisons closes, pour peu que les individus qui les fréquentent gardent un peu d'humanité, pouvaient s'apparenter à des opéras, des théâtres. La seule injustice venait de l'inégalité des unes par rapport aux autres. Aucun homme ne vendait son corps, mais le jour où cela arriverait... Ce jour-là, nos sociétés ne feraient-elles pas un bond magnifique en avant ?

Je lâchais un petit rire, où la joie se mêlait indistinctement à l'ironie. Pensées plus que controversées, pensées au-delà de l'hérésie mondaine. Il y avait de l'idéalisme dans mes rêves, mais un idéalisme né d'un réalisme fort, guère éloigné du cynisme. La désillusion, c'était la conséquence logique de la démarche intellectuelle utopique... mais être visionnaire, c'était bâtir l'utopie à partir de la désillusion.

Je me raidis soudain, apercevant un homme qui correspondait au signalement de l'infidèle époux. Il s'arrêta un instant devant le bâtiment, sembla hésiter, puis s'y engouffra précipitamment. Mordu par la gueule immonde du remord ? Ou les dents brûlantes de la honte ? Ca ne ressemblait pas à l'aristocrate que je connaissais. Je me trompais peut-être, mais je ne pouvais pas laisser passer ce genre d'occasion.
Je quittais ma médiocre cachette pour traverser l'avenue à grands pas, pénétrant à mon tour dans ce paradis du désir.

Aline était au comptoir, et j'eus le temps de voir une porte se refermer dans le couloir qui faisait face à l'entrée.

- Aline ?

Elle se contenta d'hocher la tête, distraitement, en réponse à ma question. Presque aussitôt, comme si elle les avait appelées auparavant, deux femmes firent leur apparition. Dentelle cramoisie, longs cheveux noirs qui frisottaient, peau dorée et regard envoûteur ; sorties du même moule, probablement du même ventre, elles étaient prêtes à gagner maints hommes. Il n'y avait pas que leur corps à redouter, je le devinais ; je lisais en elles une faim d'adoration, une faim jalouse, comparable à la soif de pouvoir...

- Sylvia, Edith, c'est l'homme dont je vous ai parlé, marmotta Aline sans lever les yeux du livre dans lequel elle griffonnait. Emmenez-le.
- Oui, emmenez-moi, mesdemoiselles, ris-je insolemment.

Elles échangèrent un regard que je ne parvins pas à déchiffrer. Amusement, mépris ? Je n'étais pas sûr de savoir ce qui m'inquiéterait le moins...
La plus grande me prit par le bras tandis que l'autre était déjà repartie. Je claquais de la langue en repoussant la main qui s'était posée sur moi, plus par souci de paraître maître de la situation que par dédain. Quelques pas plus tard, on me guidait à l'intérieur d'une pièce égale aux autres, accueillant un lit usé et une petite malle dans un coin.

- Vous êtes Michel-Ange ? s'enquit l'une des soeurs.

Elle avait la voix à son image : sombre, chaude.

- C'est bien moi. Edith ?
- Sylvia. Avec ma jumelle, nous nous occupons assez souvent de celui que vous recherchez. Exclusivement, en fait.
- Ah.

J'allais m'installer sur le coffre, ignorant le craquement de protestation du bois. Le lit ne me rebutait pas, mais je préférais m'éloigner de ces deux mangeuses d'hommes. Autant éviter de lorgner sur leurs formes.

- Il préfère l'une d'entre vous ?
- Non.
- Comment pouvez-vous en être si certaine ? insistai-je doucement.
- Il nous prend... ensemble.

Je battis des paupières.

- Bon... Et votre soeur ne parle jamais ?
- Elle est muette... depuis sa naissance, répliqua Sylvia, avec une pointe d'amertume dans les yeux.

Pour une raison ou une autre, je ne me sentais pas à l'aise. Peut-être était-ce l'intelligence qui brillait au fond de ces inconnues, ou l'influence que je sentais qu'elles pouvaient avoir... sur qui ? Les nobles ? Moi ? Je fermais les yeux. Et je compris.
Il y avait une chose que je redoutais, chez moi. En délaissant la lumière du jour, en renonçant à entendre le monde, en plongeant mon regard au fond de mon âme, je pouvais discerner quelque chose qui vibrait. Quelque chose que j'abhorrais profondément. Que je haïssais.

De la pitié.

- Je voudrais savoir s'il a des horaires particuliers. Une chambre préférée. Ses habitudes.
- Généralement, il passe le cinquième jour de la semaine...
- Il s'appelle vendredi, grognai-je.
- Oui, vendredi.

Toi aussi, ma petite, tu es une étrangère. Je le sens dans tes mots, je le sens dans ta pensée. Car l'agencement de ta phrase me montre comment vagabonde ton esprit, belle catin aux cheveux noirs comme la nuit. Si j'en crois mon coeur qui se noie de pitié, il vagabonde vers les terres du Sud, par-delà les cités-libres... Si j'en crois mon coeur qui se noie pour ta soeur, vous, affranchies par la luxure d'autrui, avez été arrachées aux montagnes ensoleillées dont me parlait ce marchand de laine, dans ma ville natale.
Mais mon coeur n'est qu'un imbécile indigne de confiance. C'est parce qu'il ne sait pas mentir.

- Pour la chambre, il s'en moque, il va là où on l'emmène.
- Il me semble l'avoir vu entrer avant moi. Ca lui arrive d'aller voir vos collègues ?
- Ca ne devait pas être lui, hésita-t-elle. Il ne demande que nous deux depuis des mois maintenant.
- Très bien. On est mardi aujourd'hui. Vendredi, je reviendrais. S'il vient, vous l'emmènerez dans la dernière chambre, au fond du couloir sur la droite. Vous soulèverez un peu plus le volet, qu'on puisse voir de l'extérieur.
- C'est contraire à... commença-t-elle.
- Je me suis arrangé avec Aline, la coupai-je fermement. Si votre jeu est bon, vendredi, vous aurez deux Atris chacune. Vous avez tout noté ?

Elles hochèrent toutes deux la tête.

- Il faudra qu'on puisse le reconnaître depuis dehors. Donc pas de dos à la fenêtre. Et puis...

Je déglutis péniblement. J'étais bien trop sensible à la détresse muette, mais hurlante, de ces deux exotiques créatures.

- Et puis ce sera tout. N'oubliez pas. Deux Atris chacune.

Je me levais, raide, pour sortir de la pièce lorsqu'une main me retint. Je pivotais, découvrant les yeux expressifs d'Edith.
"Je sais que tu as compris", voilà ce qu'ils me disaient. "Je sais que nous fuis".

J'avais fui toute ma vie, ma petite. Tu crois que j'en ai quelque chose à faire, qu'on me le signale ? Même avec ce ton de reproche ? Même avec cette... accusation au fond de l'abîme qu'il y a derrière tes prunelles...
Je claquais la porte.

Aline fronça les sourcils en me voyant débouler.

- Tu comptes me tuer ou te suicider ? Je n'arrive pas très bien à déterminer...
- Aline, les filles t'expliqueront ce que je leur ai dit. Pour vendredi, il faudra me réserver une chambre. Enfin, elle sera réservée à mon homme, mais... Bref, elles t'expliqueront.
- Tu me monopolises deux excellentes employées et une chambre, tu sais.
- Elles seront payées, c'est déjà prévu.
- Et moi ? Qu'est-ce que je gagne en échange ?
- Toi, répliquai-je farouchement, tu les taxeras.

J'avais envie de mettre un coup de poing dans le battant plutôt que de tourner la poignée, mais je m'abstins. D'une, c'était puéril, deux, ça ne faisait que conforter ma faiblesse, trois, je ne tenais pas à me faire briser les genoux par le molosse qui gardait l'accès...
Sans parler d'Aline.

La rue me fit l'impression d'un courant d'air salvateur, après la tension à laquelle j'avais été soumis à l'intérieur. Une tension détestable... Je ne me savais pas si facile à déstabiliser. Et je l'avais fait seul, encore. Si ça arrivait face à mes concurrents nobles...
Je laissais un rire sombre franchir mes lèvres. Ca ne pouvait pas arriver avec eux. Ils étaient trop superficiels pour m'atteindre avec la profondeur tourmentée dont ces deux femmes étaient si généreusement pourvues.

Vendredi, soir de vérité. Pour tout le monde.
"La vérité des uns fait le bonheur des autres..." songeai-je sardoniquement en prenant le chemin du retour.
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MessageSujet: Re: Une maîtresse indésirable [Quête]   Une maîtresse indésirable [Quête] I_icon_minitimeSam 10 Sep - 10:52

- Vous êtes sûr de ce que vous avancez ?

Voix blanche, mains crispées. Allons, petite chose bafouée, tu as eu du temps pour faire face à tes propres douleurs, pour les farder afin que personne ne remarque ta souffrance. Soit tu feins vainement devant moi, soit tu es une cible bien plus aisée à atteindre que je ne le pensais.

- Oui madame, répondis-je d'une voix atone. Vous avez confirmation de ce dont on vous a prévenue. Venez ce soir, vous me suivrez. Il vous faudra être discrète. Je ne peux pas vous promettre que vous aurez votre preuve dès aujourd'hui, naturellement... Mais elle arrivera.

Elle n'avait pas répondu. J'avais lu dans ses yeux qu'il était temps pour moi de partir. Il me suffirait de lui envoyer un message à l'heure convenue, voire d'aller la chercher. J'en profiterais pour vérifier qu'elle ne compta pas s'aventurer dans le port en vêtements de satin et en gants de dentelle, soigneusement maquillée et parfumée bien au-delà de ce qu'une putain ne saurait s'offrir. La conclusion approchait. Et avec elle, un pas en avant sur la route du pouvoir, quelque soit la forme que prenne ce pas.


***

Il est des heures tardives où l'on se surprend à prier. Oh bien sûr, il ne s'agit pas d'une prière rigoureusement formulée, d'une génuflexion mentale en direction d'une hypothétique conscience supérieure. Non, il s'agit de ce phénomène surréaliste, où l'athée convaincu cristallise ses espoirs en une volonté aveugle, une volonté fervente, où il se met à souhaiter de tout son coeur. Souhaiter envers quoi ? Nul ne le sait vraiment, mais ce qui est sûr, c'est qu'à ce moment-là les prières de l'athée ont autant de sincérité que celles du croyant.
La prière n'a jamais été l'apanage des religieux.

En cet instant je priais. Fermement. Je priais pour que l'homme arrive, je priais pour que sa femme ne fasse pas d'erreurs qui me coûterait sa reconnaissance, dans un repli hypocrite et de mauvaise foi. Je priais pour qu'il n'y ai pas de problème, car à force de tout prévoir en chaque instant on en vient à essuyer un tel nombre de déconvenues et d'imprévus que le simple fait d'anticiper peut suffire à vous faire douter. La prière est un remède au doute.

- Vous êtes sûr qu'il va venir ? répéta l'aristocrate.

Je tournais un regard froid dans sa direction. Elle frissonnait dans la nuit, vêtue d'un long manteau sombre qui lui répugnait, mais qui avait le mérite de dissimuler efficacement sa silhouette et les habits coûteux qu'elle portait. Un chapeau très bourgeois mais que j'avais bosselé en ignorant ses protestations complétait son anonymat très relatif. Il aurait simplement fallu qu'un homme à l'oeil un peu plus vif que les autres remarqua ses bottines à boucle, et la suspicion éclaterait comme un feu d'artifices.

- Non, je n'en suis pas sûr. Mais j'ai de bonnes raisons d'y croire. A présent, taisez-vous s'il vous plaît.

Son visage se ferma, et elle me dédia une exaspérante moue de rancoeur. J'allais devoir calmer ce petit coeur effarouché, si je voulais optimiser ma récompense.

- Pardonnez ma sècheresse. J'ai pris des risques pour découvrir tout ceci, mentis-je éhontément, et je me retrouve nerveux d'arriver à la dernière ligne droite de ma mission. La pire chose qui pourrait m'arriver serait de trahir votre confiance.

Elle se fendit d'une expression surprise, presque émue. Baratin que ce langage du visage, je le savais pertinemment. Mais cela faisait aussi partie de notre jeu, et je n'avais aucune raison d'en violer les règles.
Je repris ma surveillance du cabaret, refoulant un sourire enfantin.

- Vous savez, j'apprécie ce que vous faites pour moi. Je vous apprécie, insista-t-elle derrière moi.
- Je n'en doute pas. Cela me va droit au... Je m'interrompis, réprimant un petit cri. Mais vous...

Ah ! Ce maudit rôle ! Je m'étais tant engoncé dans mon attitude de bonnes moeurs, de courtoisie sincère pour l'amadouer, que j'étais en train de devenir ce personnage soigneux et innocent que je fabriquais sous ses yeux. L'effrontée venait de glisser sa main dans mon pantalon, et d'en chasser le froid nocturne par la même occasion. Je fis tomber le masque, me décontractant tout naturellement et me retournant à demi avec un retroussement sardonique des lèvres, les iris pétillants.

- Mais c'est que vous paieriez en avance, ma foi ! Que me vaut cette attention ? Est-ce mon dévouement...

Je retirais sa main, avec fermeté, en m'emparant de son poignet.

- Ou quelque chose que vous aviez prévu ? En fait vous n'en avez rien à faire de ce que peut bien fabriquer votre mari. Vos soupçons étaient déjà des certitudes. Quel besoin de...

Mes yeux s'étrécirent. Elle le remarqua et éclata d'un rire léger.

- Allez-y, faites éclater la vérité. Je suis curieuse de savoir laquelle est la vôtre.
- Selon votre souhait. A mon avis, vous vous ennuyez profondément dans votre petite vie transparente et limpide. Autant que votre mari, sauf qu'en tant qu'homme, il peut se permettre avec plus de tolérance sociale que vous ce genre de... gâterie. Après tout, aller voir une catin est moins condamnable que d'aller voir une femme de la bonne société, aux yeux de vos pairs aristocrates, n'est-ce pas ? C'est comme si... elles étaient là pour ça.

Dans mes mots n'avait suinté que de l'amusement, qu'elle semblait d'ailleurs partager. Mais dans mon esprit, ces mots s'étaient accompagnés de haine et de condamnation.

- Vous ne pouvez guère répliquer face à votre époux, les hommes ne vendent pas leur corps dans notre société. Comme je le disais, aller chercher dans les mêmes sphères que vous aurait été plus délicat, plus dangereux. Alors vous chercher une personne particulière. Une personne d'action. Venue du bas-peuple. Qui accepte sans problème un paiement en nature. Me trompe-je ?
- Pas du tout, rit-elle de plus belle. Mais à en juger de votre réaction, ça n'a pas l'air de vous déplaire.
- C'est là où vous, vous vous trompez.

Une pointe ironique se glissa dans ma voix. Avec tout le mordant, toute la dureté acide, que j'étais capable de conférer à son tranchant.

- Je ne viens pas du bas-peuple. J'attends ma récompense, et croyez-moi je l'aurai. Evidemment, je n'oserai pas vous refuser ma compagnie tandis que votre mari prend du bon temps.

Elle cilla, comme si je venais de la gifler, avant de se reprendre.

- Vous êtes un homme de ressources...?
- Michel-Ange.
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MessageSujet: Re: Une maîtresse indésirable [Quête]   Une maîtresse indésirable [Quête] I_icon_minitimeSam 10 Sep - 17:15

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